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Alors même que l’éducation est le principal vecteur de l’évolution sociale, le système actuel faillit chaque jour un peu plus à sa mission. Des lacunes inacceptables dans les acquis académiques, une mobilité sociale médiocre, des troubles de la santé mentale en augmentation et une incapacité notable à doter les jeunes des compétences et des outils nécessaires à la vie du 21ème siècle ne sont qu’un aperçu des conséquences d’un système éducatif enlisé dans les besoins d’une époque révolue.
Certains pionniers posent les premiers jalons d’une vision de l’éducation réinventée, recentrée autour de l’apprentissage conçu dans une approche globale de la personne. Ces poches d’innovation ne sont néanmoins pas suffisantes si nous ne parvenons pas à nous détacher du système dominant, organisé de manière étriquée autour de séries d’examens. Alors que nous réalisons l’urgence et la complexité croissante des problématiques globales auxquelles il faut répondre, le temps est précieux. Nous nous devons d’axer nos efforts non seulement sur l’innovation, mais également sur la mue du système dans son ensemble, qu’il faut mener à bien aujourd’hui comme demain.
Il y a un siècle, le système éducatif avait pour but de munir un large nombre d’enfants des rudiments de littérature et de mathématiques, nécessaires au travail de main d’oeuvre dans les manufactures. Dans les pays industrialisés, le modèle d’éducation standardisé a été développé pour répondre à ces besoins. Depuis lors, et malgré une modernisation, dans une certaine mesure, du système éducatif, les changements ont été modestes et manifestement marginaux :
· Le spectre du contenu a été étendu pour inclure des matières modernes (p.ex. : l’informatique), ainsi que des compétences et aptitudes additionnelles (p.ex. l’apprentissage social et émotionnel). L’accent, cependant, est encore principalement porté sur des matières fondamentales (c’est à dire la lecture et les mathématiques)
· De nouvelles pédagogies, telles que l’apprentissage par le projet, ont fait leur apparition, mais leur mise en place a été limitée. L’apprentissage par la lecture demeure la méthode d’enseignement principale pour la majorité des étudiants.
· Une attention croissante a été portée sur la responsabilisation et la progression des étudiants en difficulté. La performance est cependant encore généralement mesurée à l’aune des mêmes standards industriels.
· Cet accent ne reflète pas non plus le fait que les postes dans la Science, Technologie, Ingénierie, Mathématiques (STIM) occupent une place toujours plus prépondérante dans l’économie ; leur croissance entre 2008 et 2018 est supposée surpasser largement celle des emplois non-STIM (17% contre 10%)
Ces tendances modernes présentent des implications significatives pour la manière dont nous concevons l’éducation. Les changements progressifs implémentés au système éducatif ne suffisent pas. Les besoins des jeunes doivent impérativement être mis au premier rang afin de les préparer à la réalité du monde au-delà de la salle de classe. Si nous n’y parvenons pas :
· Le bien-être individuel souffrira, entraînant une réduction de la productivité
· Les besoins de l’économie ne seront pas comblés ; l’inadéquation des compétences des travailleurs avec le marché de l’emploi contribuera à un taux élevé de chômage parmi les jeunes.
· La fracture entre communautés s’élargira, menant à une exacerbation des désillusions, aussi bien que de l’isolationnisme.
· Avec des individus mal équipés pour aborder les problématiques clés de façon efficiente, les problèmes modernes et complexes, exigeant une réflexion avancée et une collaboration renforcée, demeureront irrésolus. Alors que les communautés se déchirent et que les divisions de part et d’autre des frontières deviennent chaque jour plus criantes, le besoin de s’unir à nouveau pour s’attaquer aux défis globaux et pressants se fait toujours plus urgent.
Que l’on se penche sur cette problématique sous un angle moral, économique ou social, la réponse demeure identique : nous devons réinventer l’éducation en tenant impérativement compte des besoins réels de la jeunesse, des communautés et des entreprises.
Ainsi, nous devons oser remettre en question CE QUE les élèves apprennent, COMMENT on le leur enseigne, COMMENT on mesure leur apprentissage et QUI leur prodigue cet enseignement.
THOMAS SCHÄDLER
DIRECTEUR GÉNÉRAL DU COLLÈGE DU LÉMAN
BILAN
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